CIL Nairobi 2018 : la RELAF face à quatre défis pastoraux
Introduction
Du 5 au 23 novembre 2018 à Nairobi, la rencontre internationale du CIL (Centre International Lasallien) a réuni une cinquantaine de lasalliens Frères, Sœurs et Laïcs engagés de 27 pays des cinq Régions de la Famille lasallienne. Cet événement lasallien inscrit dans le calendrier du Tricentenaire de l’entrée au Ciel de Saint Jean-Baptiste de La Salle est placé sous le thème « marcher avec les jeunes : une aventure évangélique ». Il a permis aux lasalliens de consacrer trois semaines à se former, réfléchir, partager, prier, célébrer, visiter Naïrobi et passer des temps de convivialité ensemble. Nous avons vécu des expériences de foi et de fraternité pour la mission éducative lasallienne. Au terme de ce parcours très enrichissant, nous avons été invités à prier individuellement pour la pastorale des jeunes et des vocations. Nous avons fait, deux à deux, l’expérience spirituelle des disciples d’Emmaüs.
La grande réussite de ce CIL a été soulignée par tous ses organisateurs et ses participants. Ce succès est à l’honneur du LWANGA District et de toute la Région Lasallienne d’Afrique et Madagascar (RELAF). En tant que participant à ce CIL, envoyé par le District du Golfe du Bénin, comme membre de la Commission de la Pastorale des jeunes et de la Pastorale des vocations du District, et Assesseur de la Fraternité Signum Fidei, je veux partager à travers cet article ma réflexion sur quatre défis que lance ce CIL à la RELAF. Dans le contexte de la Mission Éducative Lasallienne en Afrique, ces défis concernent la culture des vocations, la pastorale des jeunes, la pastorale des vocations et l’association avec des laïcs.
Le contexte de la RELAF
Dans l’actuel contexte de la RELAF, l’Institut des Frères des Ecoles Chrétiennes est présent dans 21 pays africains regroupés en six Districts et une délégation. Selon les données publiées dans le Memento octobre 2018 sur ce grand réseau lasallien africain, 64774 jeunes bénéficient de la Mission Éducative Lasallienne dans 96 œuvres éducatives. Pour la réussite de cette vaste mission éducative, 208 Frères des Écoles Chrétiennes partagent la mission avec 77 prêtres, religieux, religieuses dont des Sœurs Guadaloupaines de La Salle, et 3752 collaborateurs laïcs dont 2724 hommes et 1028 femmes. En termes de vocations, les Frères représentent à eux seuls 5,15% des enseignants ; avec les autres agents pastoraux (prêtres, religieux et religieuses), ils font 7,06% des enseignants. Ces statistiques nous défient sur le terrain de la pastorale des jeunes et de la pastorale des vocations. Imaginons que parmi les 64774 jeunes bénéficiaires de la Mission Éducative Lasallienne en Afrique, 6477 jeunes (10%) deviennent Lasalliens Frères et Sœurs et 32387 jeunes (50%) deviennent des Lasalliens laïcs : Signum Fidei, Volontaires et Associés. Imaginons également que parmi les 3752 collaborateurs laïcs, hommes et femmes, qui partagent actuellement la Mission Éducative Lasallienne dans la RELAF, 1878 (50%) sont des partenaires : Signum Fidei, Volontaires et Associés.
Dynamiser la pastorale des jeunes
Vu le nombre élevé des jeunes qui bénéficie de l’éducation lasallienne, la pastorale des jeunes est toujours un défi dans la RELAF. Les nouvelles vocations lasalliennes que Dieu va susciter sont d’abord les fruits d’une bonne pastorale au service des jeunes. En effet, la Règle sus-citée dit : « la pastorale des vocations s’appuie normalement sur la valeur éducative des œuvres et des mouvements auxquels participent jeunes et adultes. » Deux pistes sont proposées par cet extrait : la qualité éducative des œuvres lasalliennes et les mouvements des jeunes et des adultes. Au CIL, l’accent a été beaucoup mis sur la rencontre avec tous les jeunes, l’écoute et l’accompagnement que nous pouvons leur proposer dans les œuvres lasalliennes et en dehors d’elles. Le défi pastoral dans la RELAF est de créer les mouvements de Jeunes Lasalliens là où ils n’existent pas encore. Dynamiser ces mouvements là où ils existent déjà. Développer pour les jeunes des programmes d’activités, d’écoute et d’accompagnement pour les aider à donner un sens à leur vie et à discerner l’appel que Dieu leur adresse. Nos collaborateurs jeunes adultes sont aussi concernés.
Au CIL, les partages sur la pastorale des jeunes dans les Régions lasalliennes nous ont permis de découvrir les expériences vécues avec les jeunes et de comprendre que les mouvements lasalliens des jeunes sont des pépinières de vocations. La communication de Frère Bruno RAKOTOMAVO, Responsable de la pastorale des jeunes du District d’Antanarivo, puis les témoignages de M. Keane PALATINO, Coordinateur international des Jeunes Lasalliens, et de Mlle Eleonora MUNARETTO, Coordinatrice Internationale des Volontaires Lasalliens, sont très édifiants.
Développer la culture des vocations
Le contexte de la RELAF est un terrain fertile de la culture des vocations. Mais le terme de « culture des vocations » est encore très peu évoqué. Il reste encore confus, bien que figurant dans la Règle des Frères des Écoles Chrétiennes. On peut y lire à l’article 84.2 : « La pastorale des vocations s’appuie normalement sur la valeur éducative des œuvres et des mouvements auxquels participent jeunes et adultes. La promotion d’une culture des vocations fait prendre conscience à chaque personne de ses dons et l’invite à les mettre au service des autres. »
A ce niveau, le défi est la définition claire du concept de culture des vocations dans la RELAF. Qu’est-ce qu’on peut entendre par la culture des vocations dans une Église Famille de Dieu ? Quelles sont les implications de la culture des vocations en tenant compte des réalités des communautés ecclésiales encore très cléricales et qui promeuvent peu le laïcat ? La clarification de la culture des vocations dans la RELAF facilitera son adoption et sa promotion ; elle favorisera la valorisation des vocations de Frère, de Sœur et Laïc associé. Au cours du CIL, le partage fait par un Frère de la Région Lasallienne d’Amérique Latine (RELAL) sur la culture des vocations montre bien que la définition adoptée par les Districts est celle de la Conférence Épiscopale d’Amérique Latine et de Mexique. Dans leur contexte, la culture des vocations est considérée comme une composante de la nouvelle évangélisation, un axe fondamental de la pastorale, un processus continu de créativité et de socialisation : un concept en construction.
Dans la RELAF, nous gagnerons à relever ce défi, car il est désormais clair pour notre Institut que « la promotion d’une culture des vocations fait prendre conscience à chaque personne de ses dons et l’invite à les mettre au service des autres. » Cela s’applique aussi bien aux Frères, aux Sœurs qu’aux collaborateurs laïcs.
Refonder la pastorale des vocations
La pastorale des jeunes débouche sur la pastorale des vocations. Celle-ci se base sur la culture des vocations et approfondit le cheminement commencé par la pastorale des jeunes. Le défi à ce niveau est d’abord une évolution des mentalités par une ouverture d’esprit qui accueille et valorise toutes les vocations lasalliennes, sans les hiérarchiser ni les niveler. La Règle précise l’orientation de la pastorale des vocations : « Tout le peuple de Dieu est responsable de l’éveil des vocations dans l’Église. Les Frères font connaître le charisme, montrent l’importance de leur propre vocation et la spécificité de chaque vocation lasallienne. Ils se montrent disponibles et actifs comme intermédiaires du Seigneur, pour inviter et accompagner jeunes et adultes qui se sentent appelés aux diverses vocations lasalliennes. » (R, 84)
A mon avis, le CIL a été le lieu d’une expérience de la valorisation des vocations lasalliennes. Parmi les formateurs il y avait cinq (5) Frères et trois (3) Laïcs dont deux (2) femmes. Les participants étaient composés de trente-trois (33) Frères, deux (2) Sœurs Gaudaloupaines de la Salle et quatorze (14) Laïcs dont huit (8) femmes. Dans les divers groupes de service, tous ont participé aux activités, ont animé la liturgie et partagé des expériences de foi et de Dieu, etc. Mais, il est arrivé quelques confusions au niveau des identités lorsqu’il n’y a pas de signe extérieur, pour distinguer Frères et partenaires laïcs. Attention au risque d’assimilation, car dans la Famille lasallienne les identités lasalliennes particulières doivent être exprimées et respectées dans le partage du charisme, de la spiritualité et de la mission.
Le défi de la pastorale des vocations dans la RELAF est ensuite la coordination régionale et la création d’un réseau de communication des responsables des Districts. Un plan régional de pastorale des vocations, adapté aux réalités des Districts facilitera le travail d’équipe et d’harmonisation. Au CIL, les partages des coordinateurs du District d’ARLEP et de la Région RELAL sont très instructifs à ce propos.
Progresser dans l’association pour la mission
Ce thème a été développé en une journée par Frère Paco CHIVA. Il a présenté l’historique de l’association pour la mission et les cinq critères d’évaluation du processus d’association. Le défi de la RELAF est la formation et l’accompagnement des collaborateurs laïcs pour avancer dans le processus d’association. Les partages sur les réalités des Districts montrent qu’il y a eu des expériences de formation et d’engagement, mais des déceptions ont provoqué le découragement chez des Frères et des Laïcs, même la méfiance des uns envers les autres. La tendance est de former les collaborateurs continuellement sans un plan clair d’avancement dans le processus d’association.
La Règle précise que « l’association pour la mission conduit les Frères à accueillir et à accompagner ceux qui désirent partager le charisme lasallien et l’approfondir. » (R, 11) Un aspect concret du défi à ce niveau peut être l’accompagnement des collaborateurs qui ont commencé le processus en vue de leur engagement après un bon discernement selon des critères d’évaluation. Comme dans tout accompagnement, les Frères et les collaborateurs laïcs ont besoin de se faire mutuellement confiance ; les Frères doivent être bien formés pour assurer cet accompagnement et être disponibles pour accompagner les collaborateurs engagés dans le processus d’association pour la mission.
Conclusion
Ces quatre défis sont comme les quatre niveaux d’une spirale de croissance et de fécondité. Ils sont progressifs, interdépendants et complémentaires. La culture des vocations inspire la pastorale des jeunes, la pastorale des vocations et l’association pour la mission qui en sont des terrains d’application. Pour relever tous ces défis, les Districts de la RELAF ont à conjuguer leurs efforts pour avoir des ressources humaines qualifiées, bien formées et disponibles ; mettre en place des équipes de coordination pastorale au niveau des Districts, composées de Frère, Sœurs et Laïcs ; encourager le travail en équipe; allouer les moyens financiers, matériels et techniques nécessaires et mettre en place des services compétents pour soutenir les responsables de la pastorale des jeunes et des vocations.
Frère Jacques MONCHÉBI, Communauté de Lomé